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Archipels | Les migrants climatiques en attente de justice
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Les migrants climatiques en attente de justice

 

Bien entendu, cette agression idéologique n’a pas été sans susciter des réactions. Depuis 2000, le groupe des Verts au Parlement européen a œuvré à modifier les perceptions et à proposer des politiques de protection des réfugiés. Des artistes, des reportages ont contribué aussi à développer la perception humanitaire des réfugiés. Mais, selon l’auteur, « cet élan de solidarité dépolitise la question climatique » et donc aussi l’afflux de réfugiés climatiques. Le réchauffement est vu comme un processus naturel sur lequel les victimes ne peuvent avoir de prise. « La vulnérabilité au réchauffement climatique est attribué à l’ensemble d’un territoire ou d’une population, sans comprendre que ce sont précisément les rapports de pouvoir (internes et externes) qui déterminent la vulnérabilité différente des individus et des groupes sociaux, au sein d’un même territoire, notamment suivant les lignes de classe, de genre ou de race. » (p.169)

Comment espérer, un jour ou l’autre, apporter des solutions durables, structurelles, si l’on évite de regarder les choses en face et d’objectiver les mécanismes politiques, économiques et sociaux sur lesquels il convient d’agir ? Il ne faut pas confondre le changement climatique, auquel il ne sera pas simple de remédier, et la vulnérabilité aux catastrophes climatiques qui, elle, est inégale selon la classe, le genre, la race… « La réduction de cette vulnérabilité passe par des processus collectifs d’organisation et de lutte pour démocratiser la structure du pouvoir et mieux répartir les ressources. » (p.173)

 

Précisément, une approche néolibérale de la migration y voit une formidable dynamique d’adaptation prise en mains par les individus eux-mêmes dans leur décision de migrer. Surtout que cette adaptation prend la forme d’une flexibilité maximale, dictée par l’assujettissement à des conditions de vie très dures, présentées comme d’origine naturelle (encore une fois, on censure la responsabilité politique). Le migrant devient une sorte de héros de la résilience et l’on parle sans vergogne de « migrant entrepreneurial ». Mais ce qui est ainsi glorifié, voire montré en exemple aux travailleurs trop rigides quant à leurs acquis sociaux, ne concerne qu’une partie des migrants, celle qui arrive chez nous pour y travailler dur, consommer, accumuler de maigres économies qu’ils envoient à leur famille. Cette figure positive du migrant qui prend son sort en mains et cherche lui-même des solutions, instaure un clivage entre le bon et le mauvais migrant. « L’encouragement à la migration comme stratégie d’adaptation prend place dans un système de “gestion de la migration” (migration management) que tente de mettre en place l’OIM1Organisation internationale pour les migrations : https://www.iom.int/fr à l’échelle internationale », car, dans ce cadre, il importe de s’assurer que « les migrations prennent bien le caractère productif et contribuent effectivement à l’accumulation économique globale » (p.184).

 

L’ingérence internationale dans les choix de production agricole des pays du Sud au nom de la logique d’une économie de marché globalisée a des répercussions dramatiques sur l’amplification des changements climatiques et sur leurs victimes les plus fragiles socialement. On connaît d’innombrables exemples où les savoir-faire traditionnels, adaptés à un environnement et un mode de vie qui lui correspondent, ont été bafoués et détruits au nom de la production intensive et à grande échelle, dans l’optique d’optimaliser les « activités commerciales exportatrices » et l’accumulation économique. Le pouvoir des États, « soumis aux désirs de la Banque mondiale », peut mettre en place « les conditions d’une accumulation économique néolibérale » dont les retombées positives ne concernent que peu les populations locales, d’autant plus facilement que « les conditions sociales et économiques qui produisent la pauvreté et accroissent l’insécurité pesant sur les moyens de subsistance sont rendues partiellement invisibles en invoquant la responsabilité d’un lointain réchauffement climatique. » (p.189)

References
1 Organisation internationale pour les migrations : https://www.iom.int/fr

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