Allemagne/Pologne (L.Couavoux)

Circulation de la culture en Europe.

Un coup du sombrero : le divertissement au service de la diplomatie.
Carton rouge pour l’Europe?

A l’heure des remises en question pour certains pays, les discussions sur l’avenir de l’Europe se multiplient. A l’instar des Écossais, les anglais débattent du « Brexit » le 23 juin prochain. Nous sommes bien loin du projet d’une Europe forte et solidaire, symbole d’une puissance émergente. Mais qu’en est-il des relations entre les pays de cette zone ? Bien que l’aspect politique de l’Europe paraisse fragilisé, ce modèle est une représentation idéale de ce qu’on appelle la diversité. Une nouvelle réflexion semble ainsi émerger : la place de la culture au sein de la société civile. La commission européenne est en train de développer un nouveau secteur prometteur pour une Europe prospère : la culture et la création. Avec son programme « Europe Créative », le mouvement de circulation de bien non-matériel est en marche. Qu’il s’agisse de la formation de son équipe, du développement du public ou bien de la traduction d’un roman, le soutien et financement apportés permet de travailler avec des partenaires au-delà de ses frontières. Par ailleurs, l’Union européenne ne se restreint pas à ses seuls états membres. L’Ukraine, par exemple, a récemment pu intégrer le programme.

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1 partout, balle au centre – photographie de Valerio Vincenzo.

Allemagne – Pologne : un partout, balle au centre.

Si l’histoire a montré que les relations entre allemands et polonais n’ont pas toujours été facile, il semblerait qu’une démarche mutuelle de connaissance des cultures se construit. A la suite du traité sur la frontière Germano-Polonais de 1990, le traité de bon voisinage et de coopération amicale (1991) précise l’engagement des deux pays à favoriser les contacts culturels, notamment auprès des jeunes.

Après la chute du mur de Berlin, un engouement, noble, de reconstruction a fait irruption dans les sociétés allemandes et polonaises : en dehors des biens matériels, la volonté d’agir ensemble, d’apprendre les uns, des autres, et de grandir ensemble est un moteur émergeant de l’alliance germano-polonaise. Sans prétention aucune ou naïveté aveuglante, l’utopie semble avoir opéré dans notre société actuelle. En effet, de nombreuses fondations voient le jour, notamment du côté allemand. Leur but : promouvoir l’art, le patrimoine et la culture ainsi que la compréhension linguistique entre les nations, afin de renforcer la diversité culturelle de l’Europe.

« L’Allemagne et la Pologne partagent un patrimoine bâti commun qui ne doit pas être perdu. Par conséquent, le travail de la prise en charge de la Fondation culturelle germano-polonaise et de la conservation est digne de soutien. » – Dr. Richard von Weizsäcker-ancien président.

Rétablir le dialogue

C’est au cœur du magnifique château de Genshagen, près de Berlin, que la fondation qui porte le même nom, s’est implantée. Au travers de débats animés, d’activités variées ou encore d’ateliers de réflexion, elle tente de promouvoir le dialogue entre les pays du Triangle de Weimar. Ainsi, des citoyens Polonais, Allemands et Français peuvent débattre dans le respect des pensées de chacun. La fondation défend le principe que l’Europe est un projet politique et culturel, ce qui la mène à trois champs d’action : l’éducation artistique et culturelle, la politique culturelle et les sciences, et la pratique artistique et culturelle. Ce lieu dynamique de rencontre et d’échange contribue d’une part à l’amélioration des relations entre les pays mais aussi à la recherche de solutions des enjeux actuels, pour un développement futur.

Mais que serait le dialogue sans la compréhension linguistique ? C’est ce que la Fondation allemande Robert Bosch tente d’entreprendre depuis la fin des années 70. La fondation proposa des cours accélérés pour permettre aux enseignants et étudiants polonais de posséder les bases de la langue allemande. Avec une intention de réunification des deux peuples, le succès du programme a mené la fondation à s’étendre vers l’Europe centrale et Orientale : l’ “Internationale Deutschlehrerkolleg” est un programme international de formation continue à la langue allemande.
Une collaboration de re-construction

Après la violence des nombreux conflits, il est légitime se demander ce qu’il reste du patrimoine culturel. Mais un simple bilan des dégâts ne serait sans grand intérêt. Alors : comment la réparation s’organise-t-elle?

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Château frontalier de Bad Muskau / Muzakowski

Au regard du parc frontalier de Bad Muskau ou Muzakowski, nom relatif
au côté allemand et polonais, c’est le succès d’une étroite collaboration entre les deux nations qui a effacée les dommages de la Seconde Guerre Mondiale. Cet engagement mutuel a ainsi permis de classer ce lieu singulièrement admirable au patrimoine mondial de l’UNESCO. Il n’est ainsi pas rare que des aides financières, de fonds public ou privé, soient apportées lorsqu’il est question de restauration ou conservation du patrimoine culturel.

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Parc de Bad Muskau (en rouge) au centre du terrain avec les attaquants allemands à gauche et polonais à droite.

D’ailleurs, les bibliothèques nationales allemandes et polonaises ont signé un accord de coopération sur la numérisation de ses collections pour permettre d’une part une meilleure conservation de ses biens, et d’autre part, un échange simplifié entre les deux civilisations. Ce procédé devrait par ailleurs s’ouvrir à d’autres domaines tels que les musées, le cinéma ou encore l’audiovisuel. Tout compte fait, c’est une réelle dynamique de partages d’expertises et de technologies qui est mise en place au service du patrimoine culturel.
Cœur de la culture européenne : l’Allemagne ?

La puissance allemande apparaît comme le centre culturel de l’Europe, où émane une volonté de créer une dynamique de circulation des biens intellectuels.

Dès 1984, l’Allemagne s’associe avec la France pour créer une chaine culturelle et éducative à vocation européenne : ARTE. Son statut de groupement européen d’intérêt économique (GEIE) permet de comprendre que le but d’une telle coopération n’est pas seulement ludique. Si l’audiovisuel est un domaine visé par des partenariats inter-nations, il n’en est pas moins pour les sciences, l’éducation, les média, l’art, l’architecture…

« La culture est, dans cette rupture de la mondialisation, notre vivier où nous puisons les ressources pour donner du sens à nos vies personnelles comme à nos communautés d’appartenance ou de destin. » – Jacques Delors.

Longtemps, la diversité des états au sein de l’Europe a été pointée du doigt et critiquée, vue comme une source de faiblesse et de déséquilibre. Mais, au contraire, ne serait-ce pas ce point inhérent à l’Europe qui renforcerait ce modèle en le rendant encore plus fort et indissoluble ?

Finalement, la culture pourrait bien favoriser la compréhension et le rapprochement des peuples et être un instrument astucieux pour traiter de l’économie et de la politique. Mais en attendant, gardons la convivialité et l’amicalité de côté et laissons place à l’affrontement de l’Allemagne face à la Pologne, au stade de France.

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