Angleterre/Russie (M. Vila)

Le football, reflet du monde actuel ?

Argent et football

Ça y est, l’Euro 2016 a commencé et, en ce jour du 11 juin 2016 se déroule le match Angleterre/Russie. L’effervescence monte et les familles se déchirent sur leur équipe favorite. On pourrait presque faire un rapprochement sur la situation quelques décennies auparavant avec le conflit entre les blocs occidentaux et soviétiques. Nous avons donc aujourd’hui deux pays en ligne de mire : l’Angleterre, contrée démocratique où les puissants s’essayent de temps en temps à l’évasion fiscale, et la Russie, où derrière un verre de vodka, la liberté d’expression quotidiennement bridée côtoie la corruption.

Cette dernière semble être le joujou préféré des riches, et cela se retrouve évidemment dans le football, avec des matchs truqués et des salaires exorbitants. Que dire de cette inégalité où les joueurs sont surpayés en comparaison de leurs homologues féminins ? Ou de Michel Platini, président de l’UEFA depuis 2007, et Sepp Blatter, président de la Fifa depuis 1998, tous deux suspendus de leurs fonctions pendant huit ans pour cause de pot de vin et autres joyeusetés [1] ? Ou de la FIFA elle-même, que John Oliver décrit avec son sarcasme légendaire “Comparez l’argent à des poils, et FIFA à de la cire” [2] ? Celle-ci a sa propre affaire de corruption (que l’on nommera affectueusement Fifagate) où neuf hauts responsables sont arrêtés ou inculpés pour fraude, blanchiment d’argent et ainsi de suite (ce qui aura au moins servi à réformer l’association).

Et oui, tout ceci se passe dans le monde réel, et même le commun des mortels se lasse de ces allégations, tant elles ressemblent à une mauvaise blague. Mais ce n’est pas fini ; dans un autre genre de corruption, l’Angleterre reste concernée, avec un sujet qui a défrayé les chroniques : les Panama Papers. Pour ceux qui n’auraient pas suivi l’actualité ces derniers mois, les Panama Papers c’est : la fuite de 11,5 millions de documents confidentiels, des informations sur plus de 214 000 sociétés offshores (qui sont exemptées d’impôts) et les noms de leurs actionnaires [3] . Ces chiffres mettent en premier plan l’évasion fiscale de politiques, célébrités et autres milliardaires du monde entier. On pourrait penser que ces derniers ne savent plus quoi faire de leur argent, à part le dissimuler dans des entreprises cachées dans des paradis fiscaux pour éviter les impôts, cela sans être directement dans l’illégalité.

En effet, le Premier Ministre britannique David Cameron est lui-même affecté par ce scandale. Il a avoué avoir touché des parts lui rapportant 19 000 livres (soit 23 500 euros) avant d’être élu, dans les sociétés offshores venant de son père, mort en 2010. Ces accusations, qu’il essaye de justifier avec gène, ne font rien pour remonter sa cote de popularité en baisse. Carton jaune pour lui !

De l’autre côté en Russie, nous avons Vladimir Poutine, qui à l’inverse de David Cameron, n’est pas cité dans ces documents mais a des amis concernés. Sergueï Roldouguine, parrain de sa fille et célèbre musicien, est l’un des plus mouillé dans cette affaire, et il pourrait même être le gardien de l’argent de Poutine selon l’ICIJ, une organisation de journalistes d’investigation. Son nom est lié à au moins sept sociétés offshores au Panama. La fille de Poutine, Ekaterina Tikhonova a également eu un magnifique mariage financé de manière suspecte. Le gendre aurait reçu comme cadeau 2,5 milliards d’euros en parts d’une société pétrolière.

Mais à ces révélations, la Russie campe sur ses positions et accuse la CIA, qui chercherait à attaquer le pays avec ses “inventions”.

Si l’on en revient aux personnalités liées au football, Michel Platini possède une société offshore, créé moins d’un an après son élection à la présidence de l’UEFA. Lionel Messi, quintuple Ballon d’Or, et son père sont aussi empêtrés dans ces affaires louches. Entre 2007 et 2009, ils ont été accusés pour fraude fiscale de 4,16 millions d’euros et sont encore en discussion avec le fisc.

Et la liste pourrait, et je dirais même doit, continuer à s’agrandir. Même si toutes ces révélations choquent peu maintenant, et n’attirent l’attention du grand public que quelques instants, il reste important de poursuivre les enquêtes sur les fraudes et l’argent sale.

Ces faits sont souvent révélés par les lanceurs d’alertes, qui risquent beaucoup dans ces histoires et sont parfois attaqués en justice [4], vu que l’on préfère s’occuper d’eux et ignorer ce scandale. C’est le cas d’Antoine Deltour, lanceur d’alertes à l’origine des LuxLeaks, qui a mis au grand jour des centaines d’accords fiscaux confidentiels entre le fisc luxembourgeois et des multinationales (comme IKEA, Pepsi, Amazon). Il est en ce moment même en procès.

Ce manque de sécurité risque même de placer les lanceurs d’alertes potentiels sur le banc de touche, quand on sait qu’au même moment, le Parlement européen vote pour l’instauration du secret des affaires pour les entreprises [5]. Heureusement que la Fifa est une association à but non lucratif.

Mais le spectateur lambda laissera ces préoccupations loin de son cerveau éteint pour l’occasion, afin de pouvoir encourager son équipe préférée à l’occasion du match Angleterre/Russie et de ceux qui vont suivre. Alors, vous reprendrez bien une tasse de thé ou un verre de vodka, achetés légalement sans soudoyer qui que ce soit ?

[1] http://sport24.lefigaro.fr/football/etranger/actualites/fifa-platini-et-blatter-suspendus-8-ans-784312

[2] https://www.youtube.com/watch?v=DlJEt2KU33I

[3] http://www.lemonde.fr/panama-papers/

[4] http://www.madmoizelle.com/revue-presse-lanceurs-alerte-547815

[5] http://www.clubic.com/pro/technologie-et-politique/actualite-804226-secret-affaires-france-face-europe.html

 

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *