France/Suisse (Y.lecoq)

Pareto x France-Suisse

Pareto et le match France-Suisse

Le match de ce soir, c’est l’occasion pour moi de tacler les deux choses qui me viennent à l’esprit quand je pense à la Suisse. Et comme je suis français, vous êtes assuré(e) que ça va pas mal râler. Cachez les yeux des enfants, parce qu’aujourd’hui on va parler d’argent et de chocolat.

Alors évidemment, il n’est pas question de parler des pièces en chocolat que vous trouvez à Disneyland – je parle de celles sur lequelles 95% du monde se casse les dents. On se rappelle bien de l’opération “chocolat” et cette grande histoire de (non-)collaboration entre la France et la Suisse concernant la lutte contre l’évasion fiscale.

Puis, vous vous dites “Qu’est-ce qu’il est parti pour me raconter ? Est-ce que l’argent et le chocolat ont tant que ça à voir l’un avec l’autre ?”.

Vous avez dit Equitable ?

Eh bien. L’argent et le chocolat sont, à eux deux, porteurs d’une vérité noire et amère à volonté. En fait, il y a une chose que l’opération chocolat et que le chocolat même nous rappellent : C’est que les pauvres ne cessent de s’appauvrir tandis que les riches s’enrichissent.

Ce serait encore oublier deux données fondamentales : La première, c’est que les riches cassent leur sucre sur le dos des pauvres; et la deuxième c’est que 80% du monde est pauvre.

Les sous-titres sont disponibles pour les non-anglophones.

Un air de déjà vu ? Certainement. Vous avez sûrement connaissance du salaire des joueurs, et de la boîte à fric qu’est la FIFA. Vous vous arrêtez en vous demandant “qu’est-ce que ces gens ont de plus que moi” ? Vous êtes agaçés, à juste titre, que chaque membre de cette quinzaine de tapeurs de ballons gagne 140000€ par semaine, tandis que vous luttez quotidiennement avec vos quelques 1200€ par mois (et encore).

Dans cet éclair de lucidité, vous viendrait-il à l’idée que cette répartition de la richesse est représentative de celle du monde entier ? Et pan ! Voilà comment le foot nous introduit au principe de Pareto : 20% des gens ont à eux seuls 80% de la fortune du monde.

Revenons-en au chocolat : Les familles qui cultivent le cacao en côte d’ivoire devraient gagner quatre fois plus pour atteindre le seuil de pauvreté de 2$ par jour et par personne (!), et ce serait oublier au rythme de quelles conditions de travail ils (sur)vivent. On ne compte plus les associations qui dénoncent cette situation, mais la Déclaration de Berne (http://ladb.ch), une excellente ressource pour ouvrir les yeux des suisses sur les problèmes impliquant leur pays et ceux en développement, a publié pas mal d’articles intéressants à ce propos. Consultez-les pour être à jour au niveau des chiffres.

Qu’est-ce qu’on a à voir avec ça ?

Dans l’absolu, c’est sûr qu’on devrait en premier demander aux riches de ne pas garder si jalousement leur fortune gargantuesque qui consiste en plus de la moitié de la richesse totale du monde.

Il y a des choses que nous, les classes moyennes, sommes en mesure de faire, et c’est amusant de voir qu’il y a toujours autant de points commun entre le thème du chocolat et celui de la finance. On peut favoriser le commerce éthique du chocolat, et concernant notre argent, on peut se mettre aux placements… Vous avez deviné ? “éthiques” !

Ces deux éléments ont d’ailleurs un point philosophique commun : Ils ne vous apporteront pas la plus grande valeur possible (ce qui ont goûté à du Max Havelaar savent de quoi je parle), mais leur vraie valeur se situe à un endroit que vous ne percevez pas et qui (supposément) bénéficie à l’ensemble de la communauté à la place. Une conséquence, c’est que ce n’est pas évident de s’y tenir sur le long terme – je ne connais pas beaucoup de gens qui aiment faire plein de petits sacrifices sans avoir de retour palpable !

Ma période “chocolat du commerce équitable” est vite passée, pour cette raison très simple : c’est cher et c’est pas extra. On se dit qu’on aide les pauvres récolteurs de cacao, mais comment vouloir continuer à se forcer si on ne nous met pas sous les yeux les conséquences (espérées positives) de notre action ? Etre félicité par un emballage, ça va un moment.

On devine que les placements éthiques, c’est un peu la même idée. Dès le moment où l’on intègre des critères sociaux et environnementaux dans des décisions d’investissement, on se met quelques bâtons dans les roues en échange d’une contribution peu perceptible à toute la communauté – le problème c’est encore celui du feedback : bien plus présent quand on vous dit “Vos bénéfices ont grimpé de 25%” que quand on vous dit “Les enfants pauvres vous remercient” ! Lequels ? A quel point ? Quelle quantité factuelle de mon argent leur est vraiment arrivée ?

Quels sont les résultats ?

A la place d’un supposé riche philanthrope donnant de grandes sommes à des assos’ humanitaires (un beau rêve que voilà), ça me paraitrait être le strict minimum que je puisse assister en direct à l’évolution des choses depuis ma contribution.

Mais ça ne se passe pas comme ça, parce que forcément, les riches ne veulent pas mettre leur argent n’importe où. Ils ont mieux à faire avec, comme louer des jet privés et des sous-marins ! “Oh, wait”.

Je suis presque en train d’affirmer que ça serait bien que les voitures à essence rappellent chaque jour à leur conducteur “Attention, tu pollues.” suivi non pas d’un vague “C’est pas bien”, mais de statistiques visuelles précises sur l’état de la couche d’ozone et des glaciers, qui permettraient d’avoir une conscience lucide de la situation. Là, et seulement là, le collectif penserait sérieusement à bouger.

Si, comme moi, vous êtes dans les 80% qui ne tirent pas les ficelles, mathématiquement, toute action directe de votre part conserve une portée négligeable à l’échelle globale. Nous pouvons quand même faire quelque chose de non seulement très simple, mais aussi très efficace : dire aux autres 20% de sortir de la bulle qu’ils se sont créés.

Que cela ne vous décourage pas de déguster quelques carrés de chocolat devant le match ce soir ! Je vous invite à vous faire votre propre opinion sur la question, mais méfiez-vous : elle est peut-être dans les 80% qui ne changeront que 20% du monde.

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