Islande / Hongrie (M.Crespin–Pommier)

L’âge des études amène de nombreuses interrogations, curiosités, et
indignations sur la société et son fonctionnement. Je suis un
animal, et m’appuie sur cette idée pour me défendre des obligations
sociales et administratives qui pèsent sur moi. Cette sensation de
primalité au fond de soi persuade de sa propre liberté, et fait
ressentir un champ des possibles extraordinaire. Pourquoi devrais-je
sacrifier ma vie entière à me plier à un système qui apparaît être
corrompu, injuste et inefficace ? L’idée d’avoir un futur écrit
suivant les conformités sociales m’est insupportable, et pourtant je
ne peux m’empêcher de la trouver reposante. J’ai ainsi cette
impression que chaque individu est au quotidien tiraillé entre ses
pulsions primaires, les pressions qu’il s’auto-exerce pour être
socialement conforme, et des envies et curiosités singulières que
souvent il préfère occulter aux autres. Je pense donc, sans
m’interroger sur le sens de ma vie, qu’il est motivant de consacrer
une partie de mon énergie à transformer mon monde, car cela est
rendu possible par la réceptivité de chacun aux idées anti-
conformistes.
Le football professionnel est un bel exemple de lieu commun
extrêmement populaire qui regorge d’indécences — surtout financières
— vis-à-vis de la société. Il est amusant d’associer dans les idées
l’Islande, pays ayant vécue une récente révolution (1), et
cette quête nouvelle d’un monde meilleur. L’énergie investie par les
supporters lors d’un match de foot est aussi intense que celle des
manifestants de la Voix du Peuple durant la révolution des
casseroles. Mais tandis que les supporters soutiennent corps et âmes
des joueurs gagnant en un an plus que ce qu’ils ne gagneront jamais
dans leur vie, les manifestants protestent contre le système
économique défaillant.

Manifestants devant le parlement islandais.

Malgré l’échec de la tentative des citoyens islandais pour diminuer
la corruption dans leur gouvernement, l’Islande donne de l’espoir
quant aux possibilités de changer les choses. Le football et plus
généralement le sport comporte ceci en commun avec un mouvement
social : on peut tout espérer d’une union d’individus engagés, tout
est dans le « mental », ainsi l’exploit est à la portée de tous si
l’on y croit.
Quand le gouvernement de Hongrie affiche une politique de rejet des
migrants du moyen-orient (2), on ne peut s’empêcher de penser
qu’il ne croit pas — ou plus — en l’équipe qu’est l’Europe pour
surmonter une telle crise. L’espoir s’est envolé (peut-être a-t-on
forcé son envol, dans l’intérêt de certains) ainsi que la vision
d’une réussite humaine de l’UE. Là encore le peuple islandais montre
son espoir en proposant d’accueillir des milliers de syriens (3).
C’est cet optimisme et cette volonté qui transforment n’importe quel
évènement en réussite pour soi, ou pour les autres ; le résultat
importe finalement peu tant qu’ils sont présents. L’équipe de
Hongrie, celle d’Islande, et tous les spectateurs reconnaîtront ainsi leur propre gagnant de cette rencontre à Marseille.


(1) http://www.lefigaro.fr/international/
2009/02/02/01003-20090202ARTFIG00040-l-islande-ebranlee-par-la-
revolution-des-casseroles-.php
(2) http://www.lefigaro.fr/international/
2015/09/15/01003-20150915ARTFIG00252-la-hongrie-procede-aux-
premieres-arrestations-de-migrants.php
(3) http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/islande-
plus-de-10-000-volontaires-pour-accueillir-les-refugies-
syriens-783625

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