Être libre sur le plateau
Le projet du Nimis, c’est pour moi passer du journalisme au théâtre, un challenge pour le moins risqué. L’exercice se déroule dans un cadre inhabituel, sur un plateau de théâtre, devant un public, où les outils tels que le corps, la voix, l’élocution, l’éclairage, l’écoute, le décor participent. Les résultats escomptés sont à la mesure de l’ancrage du réel à l’épreuve du plateau. Autrement dit, chaque fois que le public est pris aux tripes, ou voit la vie sur le plateau, c’est quelque chose de l’ordre de l’émotif, du subjectif, du vrai. La parole ou le texte deviennent presque performatifs. Ainsi la liberté s’imprime pendant la représentation ; l’acteur transmet son message, suscite des interrogations, déconstruit un système. C’est très jouissif. Il participe pour ainsi dire à une mission d’utilité publique, d’éveil citoyen, de watchdog de notre société, rôles traditionnellement dévolus aux journalistes. En termes de comparaison, sur un plateau de théâtre en Occident, le comédien fait plus pour l’éducation politique des masses que dix ans de documentaires pédagogiques. L’expérience avec le Nimis Groupe est particulière parce que le candidat réfugié migre d’une cage à une autre – de la cage terre natale à la cage exil – pour enfin être libre sur le plateau.
- Dominique Bela est journaliste en exil. Il a rencontré le Nimis Groupe au centre ouvert de Bierset (Belgique), où il était en procédure de demande d’asile, et fait partie des comédiens de la pièce Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut-être pas vu.
- Illustration / Céline De Vos – Nostalgie à sa terre