Nimis Groupe et tant d’autres…
Les membres du Nimis Groupe sont loin d’être les seuls à s’être emparés de la question migratoire. Celle-ci a investi la création dans toutes ses formes, quitte à devenir, c’est le risque, le sujet dans l’air du temps. En écho à la crise de ces derniers mois, la question migratoire mobilise aujourd’hui les institutions culturelles, les créateurs d’ici ou d’ailleurs, dont certains en demande d’asile. Le monde associatif, massivement concerné par la question migratoire, s’est saisi lui aussi des arts ou de la création dans les lieux d’accueil ou de rétention. Les colloques, les rencontres et les débats se multiplient. Écriture, arts plastiques, théâtre, danse, musiques, expositions ou performances sont ainsi convoqués pour questionner notre rapport à l’autre, notre capacité ou notre incapacité à admettre que nous sommes citoyens du monde et à ce titre, redevables à chaque humain de sa dignité. Beaucoup de ces initiatives élargissent d’ailleurs le propos en associant à la question migratoire les questions, cruciales aujourd’hui, d’équité économique et de cohésion sociale. Au menu de ces expressions diverses, questionnement, dénonciation et résistance : mémoires de la guerre et de l’exil, interpellation du politique, éveil des consciences et/ou mise en formes au sens strict, des douleurs de l’exode et de l’exil.
En Belgique, les initiatives se sont multipliées. Sans la moindre prétention d’exhaustivité, nous en épinglons quelques-unes parmi les plus récentes, qu’elles soient le fait d’institutions reconnues, d’artistes individuels ou d’associations actives sur le terrain.
Du côté du théâtre, le spectacle Les Inouïs du Théâtre d’Un Jour, créé au Fringe, Festival d’Édimbourg en août 2015 puis montré dans le In du Festival Mondial des Marionnettes de Charleville en septembre et au Festival Découvertes, Images et Marionnettes de Tournai en octobre de la même année, donne à entendre « le silence assourdissant d’un réfugié dont le rêve est venu s’échouer sur une plage d’un pays dit libre »1http://www.t1j.be/category/spectacles/?lang=fr. À Bruxelles, en partenariat avec MSF et le CIRé, le Théâtre de Poche propose le spectacle Angleterre, Angleterre dans sa saison 2016-2017. Ayat Fayez y dresse le portrait d’un passeur pour questionner le commerce de la migration. Un débat avec des représentants des associations liées au projet est prévu le 25 octobre2http://poche.be/spectacle/angleterreangleterre.
Dans le champ des arts plastiques, à Bozar, A Light House for Lampedusa a été installée sur le toit. Cette installation inaugurée le 19 juin est due à l’artiste Thomas Kilpper, dont le travail cherche à susciter le débat sur des questions sensibles. Bozar le précise : « Son phare invite les citoyens européens à faire pression sur leurs gouvernants afin qu’ils mettent un terme à l’hécatombe de réfugiés en mer Méditerranée et adoptent une politique d’immigration et d’intégration humaine et juste. L’œuvre de Thomas Kilpper renvoie à deux phares biens réels : celui d’Alexandrie, considéré comme l’une des merveilles du monde de l’Antiquité, et celui du Cap Grecale sur Lampedusa, qui n’est d’aucun secours pour les réfugiés, étant tourné vers le continent européen. Après Bruxelles, le phare fera escale à la Kunsthaus de Dresde (Allemagne). » Dans le cadre de cette installation, l’Ancienne Belgique accueillait en juin le concert « Artists #withRefugees », avec le Brussels Jazz Orchestra et un big band constitué de réfugiés syriens. Le 21 juin, l’Institut culturel italien proposait la projection de Fire at Sea de Gianfranco Rosi sur l’afflux de réfugiés à Lampedusa. Et du 17 juin au 4 septembre, BOZAR a présenté l’exposition The Citizen du photographe Tobias Zieliony, montrant les besoins réels des réfugiés3http://www.bozar.be/fr/activities/113865-a-lighthouse-for-lampedusa. Parallèlement, le projet et l’exposition « Next Generation, please » proposée dans le même lieu, ont permis à deux cents jeunes venus d’écoles et d’associations, de travailler sur leur projet pour l’Europe. Nous en rendions compte dans les deux dernières éditions du Journal de Culture & Démocratie en évoquant l’expérience qu’y fit l’école Sainte-Marie à Saint-Gilles. Avec des artistes référents, en dialogue avec des intellectuels et des responsables politiques et en partenariat avec des associations ou des structures travaillant dans le domaine de la création ou de l’intégration sociale, les jeunes ont conçu et réalisé des vidéos, des performances et des installations réunies dans une exposition présentée à Bozar en mai dernier. Les questions de frontières, d’identité, de diversité et de migrations y étaient très prégnantes4http://www.bozar.be/fr/activities/107128-next-generation-please. Le projet The Golden Wall a été initié par plusieurs organisations et mis en œuvre par Guy Dermul dans le cadre de ce projet « Next Generation, please ». Vingt-huit étudiants, représentant chacun un pays européen, ont débattu lors d’un workshop organisé à la frontière entre la Serbie et la Hongrie. Une manière très concrète de penser de façon critique les politiques européennes en matière de migration5http://www.thegoldenwall.eu/about.html. Autre musée, autre échelle, autre projet, le MEDEX ou musée éphémère de l’exil…