Le délibéré du procès est en juin. Le porte-parole de la police a argué qu'il craignait pour sa liberté, sa vie, et celle de sa famille… Je pense que Jennifer Pawluck va finir par être acquittée, parce que l'accusation de « menace de mort » ne peut pas marcher. Elle n'a pas fait le graffiti, elle l'a relayé. Au niveau juridique, il n'y a rien qui tienne. Mais quand bien même elle en serait l'auteur et tout en reprenant l'idée que l'image n'est pas la chose… Après, toute forme de violence n'est pas acceptable. Mais je ne peux plus supporter la leçon moraliste des Occidentaux au monde arabe. Penser un peu notre rapport problématique aux images et l'endroit où il s'exprime, surtout en période de crise, nous ferait le plus grand bien. En plus, le mouvement à Montréal n'a rien de violent. On lui prête des intentions violentes mais ça n'est certainement pas sa ligne. En tout cas, cette affaire prouve qu'on est au même endroit. Et ce porte-parole représente une forme d'obscurantisme auquel il faut résister. Ce procès est une atteinte à la liberté d'expression et c'est quelque chose de très dangereux pour nous. Il en va de même pour l'accusation « apologie du terrorisme ». Typiquement, beaucoup de mes dessins pourraient relever de ça, si on les tirait un peu. Je sais parfaitement que je ne le fais pas, mais des accusateurs pourraient les faire passer pour. Ces lois sont dangereuses parce qu'elles peuvent te faire condamner.

Comme toutes les notions restant sciemment assez vastes pour pouvoir ratisser large… On sait bien que ce sont par ces « failles démocratiques » que s'insère la plus grande violence, symbolique et physique, des institutions…
Oui, et tout ça au nom du chantage au terrorisme. Et si on réagit mal, on viendra nous dire que c'est parce que l'on a quelque chose à se reprocher. En ce moment, les autorités n'ont que la légalité à la bouche parce qu'ils sont en déficit de légitimité. Ils savent pertinemment qu'ils n'ont été élus que par une très petite majorité de votants, elle-même très petite minorité de citoyens. Quelqu'un avait calculé que les gens qui avaient voté pour ce gouvernement constituaient environ 13 % de la population ! Donc la légitimité démocratique n'est pas vraiment au rendez-vous. Après, tous les autres ne sont pas au même endroit dans l'opposition, et il y a également une énorme indifférence. Dans ce contexte-là, et face à un tel déficit démocratique, ils tapent sur les gens qui font preuve de sens critique. Ce côté anti-intellectualisme est une forme de suicide de leur part parce qu'il révèle cette panique du pouvoir dont tu parles. Que ce pouvoir austéritaire panique, moi je m'en réjouis d'une certaine façon, mais en même temps, cette faiblesse se convertit en autoritarisme. On est en permanence dans ce point de basculement.
Propos recueillis par Pauline Perrenot
Pour commenter/voir les commentaires pour cet articleCLIQUEZ ICI