Nimis Groupe : chemins parcourus
Dans le groupe, chacun est arrivé avec son bagage. Au début, la composition du groupe a créé une sorte de magma… mais aussi une dynamique, qu’on a voulu garder sur le plateau. Une partie du public qui vient nous voir est au même stade d’ignorance que nous au début. On essaye de lui transmettre non pas des réponses mais le chemin d’interrogations qu’on a suivi.
– Anne-Sophie
Quand Hervé nous a raconté son trajet vers l’Europe, cela a pris plusieurs heures. Lors d’une première présentation publique, son récit durait quarante minutes. Il a fallu trouver comment organiser ça, trouver une forme dramaturgique, relier le vécu de son passage de la frontière de Melilla à la nage aux intérêts économiques des industriels qui la construisent et l’équipent. On a entretissé nos sujets de départ (Frontex, l’économie) avec ce qu’eux pouvaient apporter comme vécu et comme expérience, ce dont eux étaient les seuls détenteurs.
– Anne-Sophie
Pour moi, le passage du témoignage au théâtre est assez proche du montage. Comment inscrire le témoignage dans un propos plus large pour qu’il parvienne au spectateur ? Que mettre en place pour quitter un réalisme de base qui est juste… un peu chiant ? Comment le corps va un peu se gonfler ? Comment le montage du texte doit-il être organisé ? De quel point dramaturgique part-on ? Vers quel autre point se dirige-t-on ? De quelle énergie le public a-t-il besoin à ce moment-là de la pièce ?
– Jérôme
Octobre 2014 – voyage à Lampedusa
Poursuivant leur enquête, désireux d’aller voir une frontière bien précise de l’Europe in situ, quelques acteurs de Nimis se rend sur l’île de Lampedusa à l’occasion de la commémoration du naufrage du 3 octobre 2013 (marqué par la mort de 366 migrants). Un autre voyage, à Calais, sera organisé en août 2015.
Lampedusa est un point très symbolique sur cette frontière de l’Europe à la fois très militarisée et très médiatisée. On se dit qu’en allant là-bas, « on va comprendre… » Mais une fois là-bas, on ne comprenait rien de ce qui s’y passait ! Il y avait tant de facettes, tant d’acteurs présents (Schulz, le président du Parlement européen, les militants anarchistes qui ne voulaient en aucun cas que les officiels ne récupèrent la commémoration, les habitants de l’île qui avaient leurs propres revendications, etc.) Il y avait de quoi se perdre !
– Anne-Sophie
Pour Lampedusa, le récit de voyage a été le déclencheur de la forme finale. Une fois de retour, le premier acte de transmission de ceux qui s’y étaient rendus s’est fait sous forme théâtrale, sur le plateau. Pas autour d’une table ! Ils ont mis en scène deux ou trois éléments, un peu à-la-va-comme-je-te-pousse mais c’était génial. La présentation se terminait par la visite au médecin.
– Jérôme
Le témoignage du Docteur Bartolo n’a pas trop été pensé en termes de durée ou de rythme mais de nécessité : il faut faire entendre ça ! Il faut faire entendre le témoignage d’une personne qui chaque jour reçoit les corps, les morts. Puis, en lien avec ce qu’il vient de nous dire, citer les flux et les chiffres…
– Yaël et Anne-Sophie
On est aussi revenus de Lampedusa avec des images de morts que le Docteur Bartolo nous avait confiées et on a trouvé un moyen de les montrer aux autres. Ça a été un très gros choc pour tout le monde et on a eu un long débat sur le fait de les montrer aux spectateurs ou pas. Ce n’étaient pas les images qui passaient dans les médias. C’étaient des photos de cadavres qui sont restés pendant des jours dans la mer, qui sont tuméfiés, gonflés, blanchis, devenus méconnaissables, … Finalement, on a décidé de rester dans les mots et de ne pas les montrer.
– Anne-Sophie